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Ce 5 octobre 1938, Churchill a lâĆil mauvais.
Câest un simple dĂ©putĂ© en pleine traversĂ©e du dĂ©sert. Il assiste en spectateur Ă la signature du traitĂ© de Munich qui en apparence Ă©loigne le risque dâun conflit sur le sol europĂ©en.
La gloire est totale pour le locataire du 10 Downing Street, Neuville Chamberlain. Ă tel point quâil reçoit les fĂ©licitations du roi lui-mĂȘme et⊠De Franklin Roosevelt.
La crise des SudÚtes est réglée.
Mais est-ce suffisant pour rassasier Hitler et assurer mille ans de paix sur le sol europĂ©en comme promis par le leader allemand ? Churchill sait que ce nâest pas le cas. Ce nâest pas le seul Ă le prophĂ©tiser. Mais câest le seul qui ose le dire publiquement.
Prenons Daladier, prĂ©sident du conseil français. De retour de Munich, la foule lâacclame pour les mĂȘmes raisons que Chamberlain, ivre des promesses de paix. Il se tourne vers un de ses collaborateurs et lui soupire discrĂštement :
âLes consâŠâ.
Ce nâest pas le genre du Churchill qui prend la parole devant la Chambre des communes ce 5 octobre 38. TrĂšs impopulaire auprĂšs de lâopinion et auprĂšs de ses propres collĂšgues conservateurs, il sait que les mots quâil va prononcer ne vont pas arranger ses affaires.
Mais tant pisâŠ
âJe suis convaincu qu'il faut mieux dire exactement ce que l'on pense des affaires publiques, et que ce n'est certainement le moment pour personne de rechercher la popularitĂ© en public.â
Il sâadresse quelques instants aprĂšs Ă ses concitoyens :
[Les citoyens britanniques] doivent savoir que nous avons essuyĂ© une dĂ©faite sans avoir fait la guerre, dont les consĂ©quences vont nous accompagner longtemps sur notre route ; ils doivent savoir que nous avons doublĂ© un cap redoutable de notre histoire, alors que l'ensemble de l'Ă©quilibre europĂ©en a Ă©tĂ© bouleversĂ©, et que les paroles terribles [de la bible] ont Ă©tĂ© prononcĂ©es contre les dĂ©mocraties occidentales : âTu as Ă©tĂ© pesĂ© dans la balance, et trouvĂ© lĂ©gerâ.
Et n'allez pas croire que les choses vont en rester lĂ . Nous ne faisons que commencer Ă payer. Ceci n'est que la premiĂšre gorgĂ©e, le premier avant-goĂ»t d'une coupe amĂšre qui va nous ĂȘtre prĂ©sentĂ©e annĂ©e aprĂšs annĂ©e - sauf si, dans un suprĂȘme sursaut de force morale et de vigueur martiale, nous nous dressons Ă nouveau et reprenons, comme par le passĂ©, la dĂ©fense de la libertĂ©.
Son pessimisme le rend encore plus impopulaire. Câest pourtant ce jour-lĂ quâil taille la premiĂšre pierre de sa lĂ©gende. Le discours du Cassandre dĂ©clinant de la vie politique britannique devient bien vite prophĂ©tie. Le 1er septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne.
Chamberlain, sous pression, nomme le prophĂšte Churchill Premier lord de lâAmirautĂ©, lâĂ©quivalent de Ministre de la marine, poste quâil avait dĂ©jĂ occupĂ© pendant la premiĂšre Guerre Mondiale. Winston is back !
Le succĂšs câest aller dâĂ©chec en Ă©chec sans perdre son enthousiasme
Câest un choix audacieux que celui de porter Ă la tĂȘte dâune partie importante des forces militaires un « loser » notoire comme Churchill :
La bataille des Dardanelles en 1915 amĂšne Churchill, pour la premiĂšre fois Lord de lâAmirautĂ©, devant une commission d'enquĂȘte parlementaire chargĂ©e dâexpliquer le fiasco franco-britannique. Il sera blanchi mais sali.
Ensuite, il ne brille pas beaucoup plus au poste de Chancelier de lâĂchiquier (ministre des finances).
Enfin, moins bon gĂ©opoliticien quâil ne le pense, alors que les dictatures se dĂ©veloppent en Europe, son anticommunisme lâamĂšne Ă se montrer peu clairvoyant et peu critique sur les rĂ©gimes autoritaires de Franco et de Mussolini, ⊠Au dĂ©but du moins.
Un documentaire de la BBC nous le prĂ©sente mĂȘme comme un Ă©lĂ©ment imprĂ©visible, indĂ©cis, perturbateur, et menteur, nâhĂ©sitant pas Ă limoger un collaborateur si celui-ci le contredit. On a vu meilleur leader non ?
Et pourtant, Il devient premier ministre aprĂšs la dĂ©mission de Chamberlain, alors que la bataille de NorvĂšge tourne au fiasco. Il lui succĂšde le 10 mai 1940 en prenant la tĂȘte dâun gouvernement de coalition.
Il donne dÚs sa prise de fonction une dimension nouvelle à son commandement. Laquelle ? Nous verrons cela dans la deuxiÚme partie de cette édition consacrée à Churchill la semaine prochaine.
Sources :
Secrets of leadership : Churchill
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