Tout le contenu de Morale de lâHistoire est en libre dâaccĂšs afin dâĂȘtre lu par un maximum de personnes. Si vous souhaitez marquer votre soutien Ă Morale de lâHistoire, câest possible en souscrivant Ă un abonnement mensuel (le prix de 3 âïž par mois) ou annuel (2 âïž par mois). Un grand merci Ă ceux qui le feront !
Pour de nombreux amoureux de la Rome ancienne, CicĂ©ron est plus quâun orateur, un avocat ou un philosophe. Câest un guide au sens premier du terme. Ses discours, ses plaidoiries et ses lettres sont le tĂ©moignage dâune Ă©poque particuliĂšre pour Rome : le dĂ©clin de la RĂ©publique.
Ă partir du deuxiĂšme siĂšcle av. J.-C., Rome traverse une crise de croissance.
Les terres conquises aux alentours sont la propriĂ©tĂ© de quelques riches Romains qui remplacent les travailleurs agricoles par des esclaves venus des territoires conquis par Rome. Un dumping social avant lâheure qui prive de travail et donc de salaire les habitants des campagnes. Ce nâest pas sans consĂ©quence.
Populares contre Optimates
Les violences et les protestations qui rĂ©sultent de cette situation crĂ©ent un schisme au sein de la classe politique. Dâun cĂŽtĂ© nous retrouvons les Populares (les populistes), et de lâautre les Optimates (lâĂ©lite). Les premiers trouvent le sens de leur action dans les revendications du peuple, les seconds dans la conservation de ce qui est et le culte de la libertĂ©.
Ainsi, pendant deux siÚcles, les révolutions populares succÚdent aux contre-révolutions optimates toujours dans le sang, toujours en mettant en péril la République.
Les deux frĂšres Tiberius et Caius Gracchus, entre les annĂ©es 130 et 120 avant JĂ©sus-Christ, ont dĂ©veloppĂ© ces propositions de redistribution des terres, de rĂ©formes agraires et de rĂ©formes sociales de la sociĂ©tĂ© romaine. Le terme populares dĂ©signe tous les hommes politiques qui, par la suite, ont dĂ©fendu ce programme-lĂ , mais avec des visages et des attitudes et des caractĂšres trĂšs diffĂ©rents. [âŠ]
Et Ă chaque fois, les populares s'incarnent dans des figures emblĂ©matiques. C'est d'ailleurs un des propres du populisme, ĂȘtre incarnĂ© dans un meneur.
RaphaĂ«l Doan, auteur de âQuand Rome inventait le populismeâ, dans le podcast Storiavoce
Cicéron et Catilina, meilleurs ennemis
Câest dans ce contexte, ce 8 novembre 63 av. J.-C., que CicĂ©ron prend la parole face Ă lâassemblĂ©e du SĂ©nat rĂ©unie exceptionnellement sur le Champs de Mars au nord ouest de Rome. Câest une surprise pour Catilina, prĂ©sent lui aussi dans lâassemblĂ©e :
« Jusqu'Ă quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? OĂč sâarrĂȘteront les emportements de cette audace effrĂ©nĂ©e ? »
Ainsi commence le discours le plus fameux du plus cĂ©lĂšbre des orateurs romains. Câest le rĂ©sultat dâune longue rivalitĂ© entre CicĂ©ron, plĂ©bĂ©ien autodidacte tendance optimates, avocat, orateur hors pair et philosophe, et Catilina, patricien tendance populares Ă la sombre rĂ©putation. Tout devait les opposer et tout les oppose.
Ă lâorigine, ils ont une mĂȘme ambition : prendre la tĂȘte de Rome en devenant lâun des deux consuls Ă©lus tous les ans par les comices centuriates, câest-Ă -dire lâassemblĂ©e du peuple romain (du moins les plus riches). Ce nâest pas une mince affaire.
Catilina manque le coche en 66 av. J.-C. Puis lâannĂ©e suivante, il est empĂȘchĂ© par des affaires judiciaires et accusĂ© dâavoir imaginĂ© lâassassinat de deux consuls. Blanchi par une justice Ă©trangement clĂ©mente, il tente sa chance Ă nouveau en 65 av. J.-C. sans succĂšs une nouvelle fois.
En 64 av. J.-C., 5 candidats sont en lice, dont Cicéron. Ce dernier, rappelant le sombre curriculum de son concurrent, remporte facilement la victoire et devient ainsi Consul.
La conjuration de Catilina
Catilina prend conscience aprĂšs un nouvel Ă©chec quâil ne gagnera pas Ă la rĂ©guliĂšre. La solution ? Le coup dâĂtat, la mise Ă sac de Rome et le meurtre de CicĂ©ron. En bon populares, il promet des terres et du blĂ© Ă ses partisans comme les frĂšres Gracques autrefois.
Seulement voilĂ . Les murs ont des oreilles et les dĂ©tails de la conjuration parviennent jusquâĂ celles son ennemi. CicĂ©ron prend le SĂ©nat Ă tĂ©moin pour le dĂ©noncer le lendemain dâune tentative de meurtre :
« Jusqu'Ă quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? OĂč sâarrĂȘteront les emportements de cette audace effrĂ©nĂ©e ?
Rien, ni les troupes qui, la nuit, occupent le Palatin, ni les rondes à travers la ville, ni l'anxiété du peuple, ni ce rassemblement de tous les bons citoyens, ni le choix de ce lieu, le plus sûr de tous, pour convoquer le sénat, ni l'air ni l'expression de tous ceux qui sont ici, non, rien n'a pu te déconcerter ?
Ne sens-tu pas que tes projets sont percĂ©s Ă jour ? Ne vois-tu pas que ta conspiration, connue de tous, est dĂ©jĂ Ă©tranglĂ©e ? Ce que tu as fait la nuit derniĂšre, oĂč tu as Ă©tĂ©, qui tu as convoquĂ©, ce que tu as rĂ©solu, crois-tu qu'un seul d'entre nous l'ignore ?
Ă temps ! Ă mĆurs ! Tout cela, le sĂ©nat le sait, le consul le voit !  »
Pris Ă partie par CicĂ©ron devant les membres du SĂ©nat, Catilina prend la fuite le soir mĂȘme afin de rejoindre ses troupes, rassemblĂ©es Ă quelques kilomĂštres de Rome en Ătrurie (lâactuelle Toscane), afin de mener sa conjuration malgrĂ© le tollĂ© provoquĂ© par les rĂ©vĂ©lations de CicĂ©ron.
Mais rien nây fait.
Les alliĂ©s du patricien, restĂ©s Ă Rome, seront quelque temps aprĂšs arrĂȘtĂ©s et condamnĂ©s Ă mort par le SĂ©nat. Quant Ă Catilina, Il meurt sur le champ de bataille en 62 av. J.-C. lors dâune ultime bataille contre lâarmĂ©e romaine.
Le triomphe de Cicéron est total. On lui décerne le titre de PÚre de la patrie. La République est sauvée.
Sauvée ? Vraiment ?
LâhĂ©ritage de la RĂ©publique
En 27 av. J.-C., Auguste devient le premier empereur ce qui met un terme à la République romaine née en 509 av. J.-C. Mais au fond, son héritage est encore bien vivant. Optimates et populares peuplent encore nos assemblées.
Qui sont les uns ? Qui sont les autres ?
P.-S. : Le prochain Coppola (Megalopolis) a comme protagonistes Franklin CicĂ©ron et CĂ©sar Catilina. OĂč va-t-il chercher tout ça ?
Sources :
S.P.Q.R : Histoire de lâancienne Rome, Mary Beard
StoriaVoce : Optimates contre Populares
Cicéron prononçant sa premiÚre Catilinaire.
Morale de lâHistoire
Il choisit lui-mĂȘme le terrain oĂč il est le plus Ă lâaise : le SĂ©nat, champ de bataille parfait pour le meilleur orateur du moment.
Les discours de CicĂ©ron contre Catilina (les Catilinaires) apportent la preuve de ses accusations. Il mobilise ainsi le SĂ©nat mais aussi lâopinion publique en diffusant largement le texte de ses Catilinaires.
CicĂ©ron a le sens du timing. Il surprend Catilina en dĂ©voilant ses propres plans en sa prĂ©sence et le lendemain dâune tentative de meurtre. Plus tard aurait sans doute Ă©tĂ© trop tard.
Il connaĂźt la plus grande crainte du SĂ©nat : la fin de la RĂ©publique et la crĂ©ation dâune nouvelle dynastie de rois liberticides. Il joue dessus pour obtenir les pouvoirs spĂ©ciaux afin de protĂ©ger lâĂ©tat. Il dĂ©crĂšte lâĂ©tat dâurgence.
Partagez cet article
Vous avez aimé ? Faites-le savoir en partageant cette édition avec vos contacts !
Vous en voulez plus ? Redécouvrez cette édition.
Rejoignez les 800 lecteurs mensuels de Morale de lâHistoire
Merci aux 800 personnes qui ont lu Morale de lâHistoire en avril !
Si vous ĂȘtes un visiteur de passage, rien de grave, il suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous pour vous abonner :
à bientÎt !
Si vous identifiez des erreurs, merci de m'informer par e-mail en répondant à ce message.
âAlexandre
Excellent article !