Napoléon : Gagner sans se battre
Et si l'art de la guerre consistait Ă Ă©viter les batailles ?
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Le bicorne trĂŽne au milieu de la salle.
Le public présent en scrute le moindre détail. Des bras se lÚvent ici ou là pendant quelques minutes. Le commissaire-priseur clÎt le ballet que font les petits signes de main des enchérisseurs :
âUn million cinq cent mille pour ce symbole majeur de lâĂ©popĂ©e NapolĂ©onienne⊠Jâadjuge Ă un million cinq cent mille pour le chapeau de NapolĂ©on ! â
Et voilĂ , le âsymboleâ va de nouveau changer de main.
EnfermĂ© dans une vitrine, il semble dĂ©pitĂ© dans cette retraite poussiĂ©reuse, lui qui a coiffĂ© comme lâĂ©crit Chateaubriand, « le plus puissant souffle de vie qui jamais anima lâargile humaine », NapolĂ©on.
Il est Ă la fois tout ce que lâon aime et tout ce quâon dĂ©teste.
Il apaise le pays aprĂšs les sombres annĂ©es de la Terreur, le modernise en le dotant de mille outils que nous utilisons encore aujourdâhui comme le Code Civil, le Code PĂ©nal ou la Banque de France mais Ă cĂŽtĂ© de ça, il envoie des millions dâhommes Ă la guerre, affaiblit finalement son pays et traumatise lâEurope, renforce lâantagonisme franco-allemand et rĂ©tablit lâesclavage.
Si les citoyens du 21Ăšme jugent plus sĂ©vĂšrement NapolĂ©on que ses propres contemporains, un aspect de sa personnalitĂ© fait tout de mĂȘme consensus : câest un formidable stratĂšge.
Car câest toute lâEurope qui se coalise rĂ©guliĂšrement contre la France depuis la RĂ©volution et la bataille de Valmy en 1792. Angleterre, Prusse, Autriche et Russie souhaitent infliger une leçon tout autant aux rĂ©volutionnaires, quâĂ Bonaparte puis NapolĂ©on.
Face Ă ces millions dâhommes prĂȘts Ă en dĂ©coudre, lâarmĂ©e de lâEmpire se montre conquĂ©rante allant de victoire en victoire, quelquefois mĂȘme sans combattre.
Par quel prodige ? Analysons la (non)bataille dâUlm.
En 1805, le Royaume-Uni ne craint que dâune seule chose : lâinvasion du pays par les troupes impĂ©riales. Peur justifiĂ©e : le nouveau et autoproclamĂ© empereur amasse cent mille soldats Ă Boulogne face Ă la Manche dĂšs 1803. This is a provocation.
« NapolĂ©on imagine un plan excellent sur le papier [âŠ] : attirer les navires anglais loin de la Manche, en attaquant leurs possessions antillaises, quâils seraient donc forcĂ©s de dĂ©fendre. Lâescadre française ferait demi-tour et le dĂ©barquement serait protĂ©gĂ©. » Richard Fremder, Historien
Le Royaume-Uni monte alors une coalition avec la Russie, lâAutriche, le Royaume de Naples et la SuĂšde. Leur projet ? Surprendre NapolĂ©on en lâattaquant par lâEst alors que ses troupes sont toutes tournĂ©es vers les rives anglaises. Une attaque dans le dos finalement.
Câest un peu vite oublier sa maestria.
NapolĂ©on connaĂźt lâart de la guerre. Il sait que lâavantage dĂ©cisif est obtenu en recueillant un maximum dâinformations. Ainsi, il dĂ©veloppe une vĂ©ritable filiĂšre du renseignement en maillant la France et les territoires ennemis dâespions qui recueillent confidences, petits et grands secrets.
NapolĂ©on connaĂźt donc le plan de la troisiĂšme coalition et anticipe le mouvement de ses troupes vers le Rhin. GrĂące aux Corps dâArmĂ©e, 100 000 soldats se retrouvent sur les bords du fleuve en un temps record.
Les Corps dâArmĂ©e sont une invention dĂ©cisive de NapolĂ©on.
Lâobjectif est simple : rendre plus mobile une armĂ©e de plusieurs centaines de milliers dâhommes. Les corps dâarmĂ©e sont donc le regroupement de 3 divisions (quelques milliers de soldats) jamais sĂ©parĂ©s de plus dâun jour de marche entre eux.
Les avantages sont nombreux.
Dâabord, la logistique est minime car le nombre de soldats est suffisamment limitĂ© pour que chaque corps dâarmĂ©e puisse vivre des ressources des territoires conquis.
Autre avantage, ils sont autonomes ce qui rend les dĂ©placements plus rapides. Cela explique la rapiditĂ© avec laquelle les troupes ont traversĂ© la France pour rejoindre le Rhin. Bien avant que le reste des troupes, les 200 000 soldats de la Grande ArmĂ©e, nâarrive sur place.
Enfin, câest un excellent moyen de brouiller les pistes. Comment savoir oĂč est la Grande ArmĂ©e de NapolĂ©on si on retrouve ici et lĂ des divisions de plusieurs milliers dâhommes ? Elle est Ă la fois partout et nulle part⊠jusquâau jour de la bataille, nous le verrons.
Le gĂ©nĂ©ral autrichien Mack, quant Ă lui, entre en BaviĂšre et sâempare par surprise de la ville dâUlm :
âGrĂące Ă ses Corps dâArmĂ©e, trĂšs mobile, NapolĂ©on est dĂ©sormais sur le Danube, surgissant sur les arriĂšres, au grand dam des Autrichiens qui attendent toujours les Russes, qui arrivent. Il faut donc empĂȘcher Mack de sortir dâUlm, et opĂ©rer la jonction avec les Russes.âRichard Fremder, Historien
NapolĂ©on utilise lĂ encore ses espions et notamment lâun dâentre eux devenu cĂ©lĂšbre depuis : Charles-Louis Schulmeister. Câest un agent double, communiquant de fausses informations aux autrichiens et en rapportant de vĂ©ritables cette fois-ci, Ă NapolĂ©on et Ă ses gĂ©nĂ©raux.
Câest ainsi que les Français gagnent du temps et que les 200 000 soldats de la Grande ArmĂ©e rejoignent les 7 corps dâarmĂ©e dĂ©jĂ sur place.
Le piÚge se referme sur le général Mack.
LâarmĂ©e Française rĂ©ussit Ă bloquer les Russes, supposĂ©s arriver en renfort, et fait finalement le siĂšge dâUlm.
Câest lĂ le dernier secret de NapolĂ©on : si les corps dâarmĂ©e et la Grande ArmĂ©e parcourent le pays chacun de leur cĂŽtĂ©, câest pour mieux converger au moment de la bataille, si possible en ayant pris soin dâencercler lâadversaire.
En lâoccurrence, de bataille, il nây eu pas eu ce jour-lĂ . Ă court de nourriture, lâarmĂ©e autrichienne dĂ©cide de se rendre le 20 octobre. 25 000 soldats sont faits prisonniers et 60 canons complĂšteront lâarsenal de la Grande ArmĂ©e pour les prochaines batailles.
Un butin dĂ©cisif dans la victoire un mois plus tard dâAusterlitz. Mais câest une autre histoire.
Quel roman que sa vie !
Source :
« Napoléon à la plage », Richard Fremder
« De Sun Tzu à Steve Jobs, une histoire de la stratégie », Bruno Jarrosson
 LâĂ©chelon Corps dâArmĂ©e, chaĂźne YouTube « Sur le champ »
đ§ Morale de lâHistoire :
NapolĂ©on compense son nombre limitĂ© de soldats par plus de mobilitĂ©, ce sont les corps dâarmĂ©e. Il innove et ne fait finalement pas la mĂȘme guerre que les autres.
Il sait abandonner un objectif au profit dâun autre. Il Ă©tait parti pour envahir le Royaume-Uni, il change dâobjectif et rapidement.
NapolĂ©on se renseigne sur tout et partout pour Ă©viter les angles morts et les dĂ©convenues. Ainsi, il anticipe lâattaque de la coalition et a toujours un coup dâavance.
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đ„ VidĂ©o bonus
Jâai eu le plaisir dâenregistrer il y a quelques annĂ©es cet Ă©pisode de podcast avec Richard Fremder de lâĂ©mission Timeline. Le sujet ? NapolĂ©on bien sĂ»r !
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