Morale de l’Histoire

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Talleyrand : gagner une négociation ingagnable

Retour sur le congrĂšs de Vienne

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Alexandre Zermati - đŸ“© Histoire
oct. 12, 2023
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Talleyrand et le congrĂšs de Vienne

Il est trop facile pour un grand écrivain de brosser le portrait de ses ennemis.

Victor Hugo écrit dans Choses vues quelques lignes fameuses sur Charles Maurice de Talleyrand, mort le 17 mai 1838 :

“19 mai.

Rue Saint-Florentin, il y a un palais et un égout.

Le palais, qui est d’une noble, riche et morne architecture, s’est appelĂ© longtemps : HĂŽtel de l’infuntado ; aujourd’hui on lit sur le fronton de sa porte principale : HĂŽtel Talleyrand. Pendant les quarante annĂ©es qu’il a habitĂ© cette rue, l’hĂŽte dernier de ce palais n’a peut-ĂȘtre jamais laissĂ© tomber son regard sur cet Ă©gout. [...]

C’était un personnage Ă©trange, redoutĂ© et considĂ©rable ; il s’appelait Charles-Maurice de PĂ©rigord ; il Ă©tait noble comme Machiavel, prĂȘtre comme Gondi, dĂ©froquĂ© comme FouchĂ©, spirituel comme Voltaire et boiteux comme le diable.

Pendant trente ans, du fond de son palais, du fond de sa pensĂ©e, il avait Ă  peu prĂšs menĂ© l'Europe. [...] Il disait de lui-mĂȘme qu'il Ă©tait un grand poĂšte et qu'il avait fait une trilogie en trois dynasties : acte I, l'empire de Bonaparte ; acte II, la maison de Bourbon ; acte III, la maison d'OrlĂ©ans. [...]

Eh bien, avant-hier, cet homme est mort. Des médecins sont venus et ont embaumé le cadavre. [...] La chose faite, aprÚs avoir transformé le Prince de Talleyrand en momie et cloué cette momie dans une biÚre tapissée de satin blanc, ils se sont retirés, laissant sur une table la cervelle, cette cervelle qui avait pensé tant de choses, inspirées tant d'hommes, construit tant d'édifices, conduit deux révolutions, trompées vingt Rois, contenu le monde. Les médecins partis, un valet est entré, il a vu ce qu'ils avaient laissé.

Tiens. Ils ont oublié cela.

Qu'en faire ? Il s'est souvenu qu'il y avait un égout dans la rue, il y est allé et a jeté ce cerveau dans cet égout.

Finis rerum. »

La rancune transpire dans ces lignes et la mort du protagoniste ne semble pas l’avoir adoucie.

Car si le Diable Boiteux met son dĂ©vouement au service de la cause qu’il sert, ses fidĂ©litĂ©s sont successives : l’église, la rĂ©publique, l’empire puis enfin la monarchie.

Le mois de septembre 1814 est censĂ© mettre un terme Ă  l’Empire napolĂ©onien. IsolĂ© sur l’üle d’Elbe, NapolĂ©on ne constitue Ă  ce moment-lĂ  plus un danger pour les quatre puissances principales de la coalition qui a causĂ© sa perte (Angleterre, Russie, Prusse, Autriche). Elles ont souffert 15 annĂ©es durant et sont impatientes de se partager la dĂ©pouille de l’empire français.

Le congrĂšs de Vienne doit officialiser le partage des territoires entre les “gagnants” au dĂ©triment du vaincu. Louis XVIII mandate donc Talleyrand pour nĂ©gocier au mieux en son nom et pour la France l’accord final.

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