Morale de l’Histoire

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Jeanne d'Arc : sauver la France

Retour sur une légende.

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Alexandre Zermati - đŸ“© Histoire
oct. 26, 2022
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Cinquante juges lui posent questions sur questions lors de son procĂšs. Chacune constitue un piĂšge pour prouver que l'accusĂ©e est relapse, c'est-Ă -dire hĂ©rĂ©tique rĂ©cidivante. Celle qui dĂ©clare ĂȘtre illettrĂ©e, ne sachant « ni A ni B » comme elle l'affirme au tribunal, se dĂ©fend avec une malice remarquable. À la question « Jeanne, ĂȘtes-vous en Ă©tat de grĂące ? », la jeune femme de dix-neuf ans rĂ©pond :

« Si j'y suis, Dieu m'y garde. Si je n'y suis, Dieu m'y mette ! »1

Jeanne d'Arc demeure un mystĂšre. Sans formation militaire, elle prend la tĂȘte d'une armĂ©e. Ignorant l'Ă©criture et la lecture, sa repartie impressionne ses juges. Venue de nulle part, elle sauve le royaume et son dauphin. « Le plus grand Ă©crivain de langue française, c'est Jeanne d'Arc », disait Jean Cocteau.

Comment cette fille de Domrémy dans la vallée de la Meuse, sans éducation, a-t-elle convaincu les hommes les plus puissants du royaume de lui faire confiance et de trouver en elle le salut ?

Avant Jeanne, la guerre de Cent Ans

La situation du royaume est dramatique dix ans aprĂšs sa naissance. La tradition fixe cette date au 6 janvier 14122, en pleine guerre de Cent Ans. Depuis 1337, PlantagenĂȘts et Valois bataillent pour rĂ©gner sur le territoire français, consĂ©quence d'un manque d'hĂ©ritiers des derniers fils de Philippe le Bel. L'Anglais Édouard III (de la famille PlantagenĂȘt) et ses troupes dĂ©barquent et dĂ©ciment l'armĂ©e des Valois.

Charles V réussit à reprendre progressivement tous les territoires envahis par les Anglais. Mais à partir de 1392, Charles VI, son successeur, sombre dans la folie. Il gouverne entre deux crises de démence pendant lesquelles il pense que son corps est fait de verre. Les défaites de son armée se succÚdent. Azincourt en 1415 est la plus emblématique, une bonne partie de la chevalerie française étant décimée3. Jacques Bainville écrit dans son Histoire de France :

Le désastre d'Azincourt ne ranima pas la France, elle se dissolvait.4

Tout semble perdu. Le roi Charles VI signe le traitĂ© de Troyes qui dĂ©shĂ©rite le dauphin Charles et lĂšgue le royaume au souverain anglais aprĂšs sa mort. À l'avenir, Français et Anglais auront le mĂȘme roi mais deux administrations diffĂ©rentes. Ce traitĂ©, s’il est appliquĂ©, marque tout simplement la fin du royaume de France.

Ainsi la France Ă©tait conquise par l'Angleterre, elle perdait son gouvernement national puisque le dauphin Charles, le « soi-disant dauphin » Ă©tait dĂ©chu de ses droits au trĂŽne par un document signĂ© de Charles VI privĂ© de ses derniĂšres lueurs de raison. Dans ces mots « soi-disant dauphin » il y avait une imputation terrible: celle que Charles VII n'Ă©tait pas le fils de son pĂšre. Tel fut le honteux traitĂ© de Troyes (20 mai 1420). Plus honteuse l'acceptation de l'UniversitĂ©, du Parlement, de tous les corps constituĂ©s de France. La signature de Charles Ă©tant nulle, les Ă©tats gĂ©nĂ©raux consentirent Ă  donner la leur. Paris mĂȘme, ce fier Paris, acclama Henri V, « moult joyeusement et honorablement reçu ». Henri V s'empressa de prendre possession de la Bastille, du Louvre et de Vincennes.5

La mort de Charles VI et d'Henri V en 1422 laisse place à un nouveau souverain : un enfant ùgé de huit mois appelé Henri VI, proclamé à la fois roi d'Angleterre et roi de France. Le dauphin déshérité Charles, doutant de sa propre légitimité, se réfugie à Bourges.

C'est alors que Jeanne entre en scÚne et, en l'espace de trois ans, renverse le rapport de force. Cela semble si incroyable que de nombreuses théories ont été développées pour expliquer ce prodige. L'une des plus célÚbres (et fantaisistes) prétend que Jeanne serait le fruit de l'adultÚre d'Isabeau de BaviÚre, femme de Charles VI, avec Louis d'Orléans. Cette théorie témoigne de l'embarras des historiens face au parcours exceptionnel de Jeanne.


De quand date la France ?

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Alexandre Zermati - đŸ“© Histoire
·
March 7, 2024
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La femme d’une unique cause

Pour convaincre, il faut ĂȘtre convaincu. Comme beaucoup de personnages historiques, Jeanne d'Arc est mue par une cause unique. La sienne est de sauver le royaume.

D'oĂč vient cette folle ambition ? Il y a d'abord la gĂ©ographie. Jeanne habite dans la vallĂ©e de la Meuse, prĂšs de la frontiĂšre. LĂ  d'oĂč viennent de nombreuses armĂ©es, pillant, volant et violant les femmes des villages qui la bordent. DomrĂ©my est la cible par deux fois de la folie dĂ©vastatrice des pillards. En premiĂšre ligne, les cƓurs des habitants de la rĂ©gion battent pour le royaume et son dauphin.

Il y a ensuite l'intervention divine. Nous entrons là dans le domaine de la foi et chacun jugera de la plausibilité de l'histoire que raconte Jeanne d'Arc. Elle a treize ans lorsque l'archange saint Michel s'adresse à elle une premiÚre fois et lui commande « d'apprendre à se gouverner » (notons la belle formule au passage). Plus tard, sainte Catherine et sainte Marguerite lui demandent de libérer Orléans, le royaume et de conduire le dauphin à Reims pour son sacre. Elle doit aussi libérer Paris et le duc d'Orléans, en captivité depuis Azincourt. De bien lourdes responsabilités pour une jeune fille de treize ans !

Mais Jeanne est prĂȘte Ă  tout. Pour elle, cela ne fait aucun doute : elle doit obĂ©ir et agir. Ainsi dĂ©bute sa lĂ©gende.

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