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Ils sont cinquante à lui poser questions sur questions lors de son procès.
Chacune est un piège pour prouver que l’accusée est relapse, c’est-à-dire hérétique récidivante. Celle qui déclare être illettrée, ne sachant “ni A ni B” comme elle l’affirme au tribunal se défend avec beaucoup de malice.
A la question “Jeanne, êtes-vous en état de grâce ?”, la jeune femme de 19 ans répond avec un ton assuré :
“Si j’y suis, Dieu m’y garde. Si je n’y suis, Dieu m’y mette !”
Jeanne d’Arc est un mystère. Sans aucune formation militaire, elle prend la tête d’une armée. Ne sachant ni lire ni écrire, sa repartie impressionne ses juges. Venant de nul part, elle sauve le royaume de France et son dauphin.
“Le plus grand écrivain de langue française, c’est Jeanne d’Arc” Jean Cocteau
Comment cette fille de Domrémy dans la vallée de la Meuse, sans éducation, a-t-elle convaincu les hommes les plus puissants de France de lui faire confiance et de trouver en elle le salut du royaume ?
Car oui, la France est bien mal en point 10 ans après la naissance de Jeanne.
La tradition fixe cette date au 6 janvier 1412, en pleine Guerre de Cent Ans.
Depuis 1337, Plantagenêt et Valois bataillent ferme pour régner sur le royaume de France, la faute à un manque d’héritiers des derniers fils de Philippe Le Bel. L’Anglais Edouard III et ses troupes débarquent sur le territoire et pilonnent l’armée des Valois.
Charles V réussit à reprendre petit à petit tous les territoires envahis par les Anglais. Mais à partir de 1392, Charles VI son successeur devient petit à petit… Fou. Et les défaites de son armée se succèdent. Azincourt en 1415 est la plus emblématique, une bonne partie de la chevalerie Française étant décimée (j‘en profite pour vous inviter à lire à ce sujet “Azincourt par temps de pluie” du regretté Jean Teulé ).
Tout semble perdu. Le roi Charles VI signe le Traité de Troie qui déshérite le dauphin Charles et lègue le royaume de France au souverain anglais après sa mort. A l’avenir, Français et Anglais auront le même roi mais deux administrations différentes.
La mort de Charles VI et d’Henri V en 1422 laisse donc place à un nouveau souverain, un enfant âgé de 8 mois appelé Henri VI, proclamé à la fois roi d’Angleterre et roi de France. Le dauphin déshérité Charles, doutant lui-même de sa propre légitimité, se réfugie à Bourges.
C’est alors que Jeanne entre en scène et en l’espace de 3 ans renverse le rapport de force.
Cela semble si incroyable que de nombreuses théories ont été développées pour répondre à cette question. Une des plus célèbres (et fantaisistes) est que Jeanne serait le fruit de l’adultère d’Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, avec Louis d’Orléans.
Sans expliquer l’inexplicable ou l’inexpliqué, nous pouvons tout de même apprendre de l’épopée de la pucelle de Domrémy et de son art de convaincre les puissants.
Jeanne d’Arc ne doute pas de sa cause
Pour convaincre, il faut être convaincu.
Comme beaucoup de personnages historiques, Jeanne d’Arc est la femme d’une seule cause. La sienne est de sauver le royaume de France, tout simplement.
D’où vient cette folle ambition ?
Il y a d’abord la géographie.
Jeanne habite dans la vallée de la Meuse, près de la frontière. Cette frontière d’où viennent de nombreuses armées, pillant, volant et violant les femmes des villages qui la bordent. Domrémy est la cible par deux fois de la folie dévastatrice des pillards.
Quels que soit les traités signés, les cœurs des habitants de la région battent pour le royaume de France et son dauphin… Tout simplement parce qu’ils sont en première ligne (bien malgré eux).
C’est encore plus le cas de Jeanne comme sa légende le prouve.
Il y a ensuite l’intervention divine.
Nous rentrons là dans le domaine de la foi et donc chacun jugera de la plausibilité de l’histoire que raconte Jeanne d’Arc.
Elle a 13 ans lorsque l’Archange Saint Michel s’adresse à elle une première fois et lui commande “d’apprendre à se gouverner”. Notons la magnifique formule au passage.
Puis, plus tard, Sainte Catherine et Sainte Marguerite lui demandent de libérer Orléans, le royaume de France et de conduire le dauphin à Reims pour son Sacre. Elle doit aussi libérer Paris et le Duc d’Orléans, en captivité depuis Azincourt.
Sacrée liste de courses pour une jeune fille de 13 ans !
Mais Jeanne est prête à tout et pour elle, cela ne fait aucun doute, elle doit obéir et agir.
C’est alors que débute sa légende.
Jeanne d’Arc a compris que l’on peut avoir de l’influence sans aucun titre de noblesse.
Avoir une vision ne suffit pas à avoir de l’influence et à rassembler des soutiens.
On suit d’abord une personnalité avant de se rallier à sa vision. Jeanne l’a bien compris.
La sienne est aussi forte que séduisante. C’est ce que nous apprend le procès en réhabilitation voulu par Charles VII plus de 20 ans après sa mort sur le bûcher.
“Les témoins ont rapporté […] combien elle avait charmé ceux qui la rencontraient, à la ville, à l’armée et à la cour, par la qualité de sa conversation, son humour et l’éloquence de ses propos” Jacques Trémolet de Villers dans “Les énigmes de l’Histoire de France”.
Jeanne quitte la maison familiale et se rend à la grande ville voisine Vaucouleurs afin de demander au seigneur Robert de Beaudricourt (une relation de son père) son aide afin de rencontrer le roi à Chinon.
Rien que ça.
Dans un premier temps, le seigneur et capitaine de Vaucouleurs l’invitent fermement à regagner ses pénates.
Mais Jeanne persiste. Elle reste à Vaucouleurs, prie et commence à se faire connaître de la population. Tous les jours, elle harangue la foule pour partager sa cause. Sa personnalité fait le reste. Au bout de plusieurs tentatives, elle parvient à se faire entendre de Beaudricourt.
Elle lui annonce une défaite sévère à Orléans. Cette prédiction se vérifie et cela finit de convaincre le notable de lui fournir une escorte afin de rejoindre le dauphin à Chinon.
« Je viens de la part du roi des Cieux pour faire lever le siège d’Orléans et pour conduire le roi à Reims pour son couronnement et son sacre. »
Arrivée à destination et contrairement à la légende qui veut que Jeanne ait reconnu le roi dissimulé au milieu d’une foule de courtisans, le dauphin l’attend en petit comité et cela tout à fait officiellement. Jeanne lui explique qu’elle a des révélations à lui faire, mais en privé seulement.
D’habitude taciturne, le futur Charles VII ressort de cet entretien enthousiaste comme jamais.
Convaincu après cet échange dont on ne connaîtra jamais la teneur, le dauphin lui fait confectionner une armure, une épée, et missionne Jeanne. Il faut libérer Orléans, cette cité importante située entre les territoires envahis et ceux du dauphin, est assiégée depuis plusieurs mois par les Anglais.
Direction Orléans pour la toute nouvelle Chef de Guerre !
Jeanne d’Arc obéit à la loi de victoire
La loi de la victoire est une des 21 lois du leadership décrites par John C.Maxwell dans le livre du même nom. Comme Winston Churchill plusieurs siècles plus tard, Jeanne d’Arc n’accepte pas la défaite. La victoire est la seule option possible.
Arrivée à Orléans, Jeanne et son armée commencent à ravitailler les Orléanais alors affamés par le siège. Puis, elle entre dans la ville et force l’ennemi à s’enfermer lui-même dans les bastilles qui entoure la ville. Les “assiégeurs” sont désormais assiégés.
Le 4 mai 1429, les combats commencent. Un par un, chaque fort de la ville est repris par Jeanne et son armée.
La loi de la victoire implique aussi des sacrifices personnels.
Jeanne aura l’occasion de le vérifier lors des combats du 7 mai pendant lesquels elle est transpercée par la flèche d’une arbalète à l’épaule. Les Anglais pensent l’avoir neutralisée. Le Bâtard d’Orléans, qui défend la ville depuis plusieurs mois, pense alors à sonner la retraite.
Mais ce n’est pas connaître la Pucelle qui malgré sa blessure revient sur le champ de bataille et ordonne un dernier assaut. Finalement, ce sont les Anglais qui sonnent la retraite.
God damn it !
Jeanne devient plus royaliste que le roi
On connaît la suite.
Jeanne amène précipitamment le dauphin Charles à Reims afin de le faire couronner. Cela sera fait le 17 juillet 1429.
Malheureusement pour elle, celui que l’on appelle désormais Charles VII souhaite résoudre le conflit en utilisant les voies diplomatiques. Jeanne, quant à elle, souhaite continuer coûte que coûte le combat pour bouter définitivement les Anglais hors de France.
Le nouveau roi l’autorise à mener une dernière bataille, celle de Paris. Jeanne sera de nouveau blessée lors d’un premier assaut sans succès. Trop compromis avec l’ennemi, les parisiens ne veulent pas se rendre à l’armée du roi.
Elle n’est désormais plus soutenue par Charles VII et fait bande à part pour mener d’autres combats jusqu’à Compiègne où elle est faite prisonnière, livrée aux Anglais, jugée et condamnée au bûcher par ses propres compatriotes.
Son cœur et ses cendres sont jetés dans la Seine pour éviter des contestations sur la réalité de sa mort.
Jeanne d’Arc reste encore un mystère et pour certains, son épopée marque la naissance de notre nation :
“Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie, chez nous, est née du cœur d'une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu'elle a donné pour nous” Jules Michelet
👉 À vous de choisir !
🧠 Ce que nous pouvons retenir de Jeanne d’Arc
Elle ne doute pas de la justesse de sa cause. Même si celle-ci à l’air folle.
Sa personnalité est son principal atout pour amener ses interlocuteurs à son point de vue.
Jeanne d’Arc persévère, même quand tout semble perdu comme à Orléans. Elle est déterminée.
🤔 Et vous que retenez-vous ? Dites-le moi dans les commentaires sur le blog !
📺 Une vidéo bonus
Il y a quelques semaines, nous avons appris le décès de Bernard Marie Chiquet, une des personnalités majeures des nouveaux modèles d’organisation dans les entreprises. J’ai eu la chance de le recevoir comme invité de mon podcast.
Il nous parle de l’Holacracy, une forme d’organisation des entreprises révolutionnaire.
Bonne écoute !
Voici les ressources nécessaires à la préparation de cette newsletter :
Le podcast “Entez dans l’Histoire : Jeanne d’Arc, celle qui fit craindre le pire à son bourreau”, RTL, présenté par Lorànt Deutsch
Le livre “Histoire de France” de Jules Michelet, version textes choisis par Paule Petitier
Le livre “Les énigmes de l’histoire de France”, sous la direction de Jean-Christian Petitfils
“Jeanne d’Arc, Vérités et Légendes”, Colette Beaune
“Les 21 lois irréfutables du leadership”, John C.Maxwell
Bonne semaine à tous !
Si vous détectez une ou des fautes, n’hésitez pas à me le signaler par mail en réponse à ce message.