Alexandre le Grand : Construire un empire
Cherche un royaume à ta mesure ! La Macédoine est trop petite pour toi !
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Alors quâAlexandre Ă©tait tout jeune, on essaya de vendre Ă son pĂšre Philippe II de MacĂ©doine un cheval. Impossible Ă dompter, le roi se dĂ©courage et abandonne.
Plutarque nous raconte la suite :
Alexandre sâĂ©cria : âQuel cheval ils perdent lĂ parce que lâexpĂ©rience et lâĂ©nergie leur manquent pour pouvoir en venir Ă bout.â Philippe resta dâabord silencieux, mais devant lâinsistance et lâĂ©motion dâAlexandre :
âTu blĂąmes, dit-il, toi, des gens plus ĂągĂ©s, comme si tu en savais plus long quâeux et que tu pouvais venir Ă bout de ce cheval ! â
PĂšre et fils font un pari. Si Alexandre Ă©choue Ă dompter lâanimal, il devra payer les treize talents demandĂ©s par le marchand. MalgrĂ© les moqueries de son pĂšre et de ses amis, le jeune garçon avance courageusement vers BucĂ©phale. Pas de problĂšme.
Alexandre courut vers le cheval et prit les rĂȘnes pour lui tourner la tĂȘte face au soleil, ayant observĂ© quâil Ă©tait effarouchĂ© par sa propre ombre [âŠ] Il le flatta et le caressa doucement tant quâil le vit souffler de colĂšre, puis laissant couler son manteau Ă terre, il sâĂ©lança dâun saut lĂ©ger et lâenfourcha en maĂźtreâ.
Tout le caractĂšre du futur conquĂ©rant est contenu dans cet Ă©pisode : lâaudace, la surprise, lâobservation, lâaction et lâambition.
ĂpatĂ© par son fils, le pĂšre complimente Alexandre :
Mon fils, cherche un royaume à ta mesure ! La Macédoine est trop petite pour toi !
Il ne croyait sans doute pas si bien dire.
Un empire de la MacĂ©doine Ă lâIndus
Alexandre doit sans doute une grande partie de son esprit de conquĂȘte Ă son pĂšre.
Au dĂ©but du rĂšgne de Philippe II, la MacĂ©doine, terre natale dâAlexandre, est un petit bout de territoire coincĂ© entre le royaume Thrace et Chalcidique au nord et la Thessalie au sud. Il gagne de plus en plus de territoire en gagnant chaque bataille contre ses voisins. TuĂ© en 336 av. J.-C, il lĂšgue Ă son fils un royaume renforcĂ© et craint.
ThÚbes et AthÚne tentent bien une alliance afin de déstabiliser le nouveau roi de Macédoine mais celui-ci écrase leur armée et rase la ville de ThÚbes.
Car dĂ©jĂ Alexandre regarde lâautre rive de la mer ĂgĂ©e, vers lâimmense empire Perse de Darius III. Ă la tĂȘte dâune armĂ©e de 30 000 hommes, il met le pied en Asie mineure en 334 av. J.-C. Câest le dĂ©but dâune Ă©popĂ©e Ă la hauteur de son ambition qui ne se finit quâĂ sa mort Ă 32 ans en 323 av. J.-C Ă Babylone.
Lâempire sâĂ©tend alors de la GrĂšce au fleuve Indus en passant par lâEgypte.
Comment Alexandre sây est-il pris pour achever une telle Ćuvre en 12 ans ?
Un tacticien surprenant
Alexandre innove dans lâutilisation de la Phalange MacĂ©donienne. Cette formation de combat de 16 rangs de fantassins est rendue trĂšs puissante grĂące aux sarisses, des pics menaçants de plus de 5 mĂštres de long.
Cependant, cette formation est vulnérable sur les flancs.
Lors de la bataille de GaugamĂšles qui marquera la fin de lâempire Perse, Alexandre rajoute un autre Ă©lĂ©ment de surprise : la prĂ©sence cachĂ©e derriĂšre la cavalerie, de frondeurs et de javeliniers.
DĂ©couverts au dernier moment par lâarmĂ©e de Darius III, ils y sĂšment le dĂ©sordre et finissent de convaincre le roi Perse de battre en retraite. Cette nouvelle dĂ©faite le discrĂ©dite. Il se fera ensuite assassiner par lâun de ses propres satrapes (gouverneur).
Alexandre est victorieux.
Voici ce que raconte Plutarque dâune conversation entre le roi de MacĂ©doine et ses gĂ©nĂ©raux avant la bataille (victorieuse) du Granique :
Ils allÚrent donc trouver Alexandre aprÚs qu'il eut fini ses sacrifices et lui conseillÚrent d'attaquer les ennemis pendant la nuit, pour dérober aux Macédoniens, à la faveur des ténÚbres, ce que le combat aurait de plus effrayant. Alexandre leur répondit ce mot devenu depuis si célÚbre : « Je ne dérobe pas la victoire. »
Quelques personnes ont trouvĂ© cette rĂ©ponse vaine et puĂ©rile et n'approuvent pas quâAlexandre se soit jouĂ© d'un danger si grand. D'autres y ont vu une noble confiance sur le prĂ©sent, et une sage prĂ©voyance de l'avenir, qui ĂŽtait Ă Darius, aprĂšs sa dĂ©faite, le prĂ©texte de reprendre courage et de tenter encore la fortune, en accusant de cette seconde dĂ©route la nuit et les tĂ©nĂšbres, comme il avait attribuĂ© la premiĂšre aux montagnes, aux dĂ©filĂ©s et au voisinage de la mer.
Le gĂ©nie dâAlexandre est de mĂ©langer la surprise Ă lâaudace.
Un soldat parmi les autres
Alexandre le tacticien dirige ses troupes en Ă©tant lui-mĂȘme prĂ©sent au sein de la cavalerie en premiĂšre ligne. Il paie dans sa chair son courage Ă de maintes reprises mais en sâen sortant toujours, presque par miracle.
Plutarque nous raconte un épisode intéressant.
Alexandre et ses troupes partent Ă la poursuite de Darius. Le manque dâeau est pĂ©nible pour tous :
C'est alors qui rencontra des MacĂ©doniens qui transportaient de lâeau puisĂ©e Ă la riviĂšre dans des outres, sur des mulets. DĂšs qu'ils virent Alexandre cruellement tourmentĂ© par la soif, alors qu'on Ă©tait en plein midi, ils remplirent vivement un casque et le lui offrirent.
[âŠ] Il prit le casque en main, mais un regard autour de lui fit voir tous ses cavaliers la tĂȘte tournĂ©e et penchĂ©e en avant, les yeux fixĂ©s sur cette boisson ; alors il la rendit sans la boire et en remerciant ceux qui la lui avaient offerte, il dit :
« Si je bois seul, ces gens-ci perdront courage. »
TĂ©moins de sa tempĂ©rance et de sa grandeur d'Ăąme, les cavaliers lui criĂšrent de les mener avec confiance et ils fouettĂšrent leurs chevaux, car il n'y avait plus pour eux, disaient-ils, ni lassitude ni soif, enfin ils ne se croyaient pas mortels tant qu'ils auraient un tel roi Ă leur tĂȘte.
Plusieurs Ă©pisodes de la vie dâAlexandre racontent ce genre de scĂšne. Sans doute trop pour que cet aspect de sa personnalitĂ© soit une pure fiction.
Le respect des cultures locales
Une fois conquises, les populations continuent Ă vivre selon leur coutume.
Alexandre nomme certes ses hommes Ă la tĂȘte de chaque rĂ©gion mais peu de choses changent pour les peuples conquis Ă lâexception de quelques villes qui se voient rasĂ©es par les troupes macĂ©doniennes comme ThĂšbes ou PersĂ©polis.
Alexandre ira mĂȘme plus loin en adoptant lui-mĂȘme les coutumes locales et en Ă©pousant Roxane, la fille du satrape de Bactriane (aujourdâhui au nord de lâAfghanistan). Il sera mĂȘme nommĂ© Pharaon aprĂšs la conquĂȘte de Memphis en Egypte (la fameuse ClĂ©oparte fait dâailleurs partie de sa dynastie).
Alexandre a quand mĂȘme voulu unir la culture orientale et occidentale. Dans le sens littĂ©ral.
Les 10 000 mariages de Suse entre des hommes grecs et des femmes perses ont eu lieu un an avant sa mort. Fallait-il y voir un grand dessein de civilisation ou un raisonnement beaucoup plus tactiques ?
En mariant les femmes perses aux nouveaux maĂźtres de lâancien Empire achĂ©mĂ©nide, il consolidait ses liens avec les aristocrates orientaux tout en empĂȘchant la renaissance dâune Ă©lite locale, qui aurait menacĂ© son autoritĂ©.
Gerbert-Sylvestre Bouyssou, maĂźtre de confĂ©rences en histoire ancienne Ă lâUniversitĂ© de la PolynĂ©sie française dans le Figaro Histoire, aoĂ»t 2024
Quoi quâil en soit, lâĂ©pisode nâa pas Ă©tĂ© couronnĂ© de succĂšs.
Conclusion
Au fond, Alexandre le Grand est le mĂštre Ă©talon des conquĂ©rants qui lâont suivi. CĂ©sar et NapolĂ©on connaissaient par cĆur la vie du macĂ©donien.
Comment ne pas voir dans la campagne dâEgypte de Bonaparte lâempreinte dâAlexandre le Grand ? Comment ne pas voir dans lâaudace de CĂ©sar franchissant le Rubicon celle dâAlexandre coupant avec son Ă©pĂ©e le nĆud Gordien ? Comment ne pas voir Alexandre au fond de leurs victoires ? Comment ne pas voir son hubris derriĂšre leurs malheurs ?
Sources :
Alexandre le Grand, Olivier Battistini
Morale de lâHistoire
L'ambition anime Alexandre le Grand, mais parfois elle est altĂ©rĂ©e par l'orgueil et lâimpulsivitĂ©, notamment lorsqu'il se montre cruel envers la population de PersĂ©polis pour venger l'incendie d'AthĂšnes qui s'est produit 150 ans avant son Ă©popĂ©e, ou en tuant son ami Cleitos aprĂšs que ce dernier lui ait rĂ©vĂ©lĂ© quelques vĂ©ritĂ©s.
Si lâambition est le moteur de ses conquĂȘtes, lâaudace et la surprise en sont lâaccĂ©lĂ©rateur.
La sage décision du respect des coutumes et administrations locales lui a sans doute évité un certain nombre de mouvements de rébellion.
Sa relation Ă©troite avec ses troupes a probablement contribuĂ© Ă maintenir leur confiance. Cependant, cette confiance a Ă©tĂ© mise Ă l'Ă©preuve dans les profondeurs de l'Asie lorsquâAlexandre a exprimĂ© son souhait de poursuivre vers l'Est. Les soldats, Ă©puisĂ©s par 10 ans de combats, ont atteint leurs limites.
Quelques lectures à découvrir
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Agréable et instructif
Merci
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