Scipion l'Africain : Vaincre Hannibal
Comment défaire le plus grand stratÚge de tous les temps ?
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Ce sarcophage de pierres grises se cache dans les allĂ©es du musĂ©e Pio Clementino du Vatican. Peu de visiteurs sây attardent Ă lâexception de petits groupes de touristes invitĂ©s Ă sây arrĂȘter par leur guide.
Il leur explique quâici a reposĂ© Scipion Barbatus, le patriarche de lâune des dynasties les plus importantes de la Rome antique. Lui et ses descendants ont marquĂ© lâHistoire de la Rome ancienne.
Câest le cas de son arriĂšre-petit-fils, Publius Cornelius Scipio.
Il fait face ce 19 octobre 202 av. J.-C. à Hannibal et ses troupes prÚs de la ville de Zama. Entend-il déjà la plume de Tite Live écrire son épopée deux siÚcles plus tard ?
Son armĂ©e compte 10 000 hommes de moins que celle du gĂ©nĂ©ral Carthaginois. De 12 ans son cadet, il nâa pas non plus son expĂ©rience. Il se souvient de lâhumiliation et du massacre de la bataille de Cannes au sud de lâItalie durant laquelle lâarmĂ©e dâHannibal tua plus de 70 000 soldats romains.
Quâen sera-t-il pour Publius Cornelius et son armĂ©e dans quelques heures ? Sera-t-il prisonnier des mains de Pluton ou en route pour le triomphe que les habitants de Rome ne manqueront pas de lui offrir en cas de victoire ?
LâinĂ©vitable guerre entre Rome et Carthage

Les empires ne savent pas cohabiter.
De lâautre cĂŽtĂ© de la MĂ©diterranĂ©e, lâempire carthaginois (les puniques) voit dâun mauvais Ćil le dĂ©veloppement rapide de Rome. Les premiers affrontements ont lieu en Sicile en 264 av. J.-C. Rome gagne la guerre et lâĂźle en 241 av. J.-C. (Ă lâexception de Syracuse qui tombera plus tard en 213 av. J.-C. lors dâune bataille fatale pour ArchimĂšde).
AnimĂ©s par lâesprit de revanche, les Carthaginois dĂ©clenchent une seconde guerre en 218 av. J.-C. emmenĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Hannibal Barca et ses fameux Ă©lĂ©phants.

Câest dans ce contexte que se dĂ©roule la bataille de Zama.
Comment Publius Cornelius prépare la bataille
Tout dâabord, il observe.
Dans son livre, Laurent Gohary nous apprend que Publius Cornelius est prĂ©sent lors des grandes dĂ©faites romaines de la seconde guerre punique. Il voit son pĂšre ĂȘtre battu lors de la bataille de TrĂ©bie et lâarmĂ©e romaine humiliĂ©e Ă Cannes.
Sur place, il a pu observer la stratégie fétiche d'Hannibal.
Celle-ci consiste Ă crĂ©er un point de faiblesse au centre de son propre dispositif afin que lâadversaire sây enfonce pensant avoir trouvĂ© la faille alors quâen rĂ©alitĂ© câest un piĂšge qui se referme sur lui.

âContrairement aux autres Romains, (Publius Cornelius) ne va pas se draper dans ses convictions, mais il va se dire : on est moins fort, on observe et on apprend, on tire des leçons. Et c'est ce qu'il observe trĂšs minutieusement.â Laurent Gohary dans Storiavoce
Mais si le chef de file romain connaßt parfaitement la stratégie employée par Hannibal et ses troupes, cela lui semble insuffisant pour gagner. Il observe pour imiter mais aussi innover :
âIl va mĂȘme inaugurer un nouveau glaive, le Gladius Hispaniensis, le glaive espagnol, en reprenant ce qui fonctionne bien ailleurs. C'est intĂ©ressant d'un point de vue politique. Si on veut se sortir d'une crise, il faut s'inspirer de ce qui fonctionne ailleurs.â Laurent Gohary dans Storiavoce
Enfin, Publius Cornelius amĂšne lâadversaire sur le terrain quâil a lui-mĂȘme choisi. Pour cela, il pratique une politique sanglante de conquĂȘte en Afrique du Nord, non loin de Carthage, afin dâattirer son ennemie sur le territoire des Numides, alliĂ©s des Romains.
Quand Hannibal défait Hannibal
Le 19 octobre en 202 av. J.-C., les 54 000 soldats et mercenaires dâHannibal, aidĂ©s par 80 Ă©lĂ©phants font face aux 25 000 soldats de Publius Cornelius et ses alliĂ©s, les 6 000 cavaliers Numides du Prince Massinissa. MalgrĂ© cette alliance, il est en infĂ©rioritĂ© numĂ©rique.
Il va combler cette faiblesse en surprenant son adversaire. Il combat Hannibal Ă Zama en utilisant la stratĂ©gie⊠dâHannibal Ă Cannes 14 auparavant :
Publius Cornelius rompt ce jour-lĂ avec les tactiques militaires romaines (un bloc compact de soldats qui progressent sur le champ de bataille) Ă la grande surprise des Carthaginois. La stratĂ©gie dâHannibal est donc inopĂ©rante. Mieux encore, apeurĂ©s par les Romains, leurs armes et les hurlements des cors, les Ă©lĂ©phants rebroussent chemin et infligent de lourds dommages Ă leur propre camp.
Rapidement, les troupes de Carthage se laissent âenfermerâ comme les Romains lors de la bataille de Cannes. Au soir du 19 octobre, les pertes Carthaginoises sont dix fois supĂ©rieures Ă celles des Romains et de leurs alliĂ©s.
Hannibal a perdu la bataille et Carthage la guerre. Publius Cornelius quant Ă lui, passe Ă la postĂ©ritĂ© et gagne le nom que nous lui connaissons vingt-deux siĂšcles plus tard : Scipion lâAfricain.
Lors de son triomphe Ă Rome, comme le veut la coutume, alors que la foule lâacclame, un esclave murmure derriĂšre lui : "N'oublie pas que tu es mortel".
Peut-ĂȘtre un peu moins que dâautres.
Cet Ă©pisode est largement inspirĂ© de lâĂ©coute de ce numĂ©ro de Storiavoce :
Sources :
S.P.Q.R : Histoire de lâancienne Rome, Mary Beard
Ăpisode du podcast Storiavoce consacrĂ© Ă Scipion lâAfricain
Scipion LâAfricain de Laurent Gohary
Morale de lâHistoire
Scipion a passé son temps à observer son ennemie sur le terrain afin de bien comprendre sa stratégie.
Il nâa pas hĂ©sitĂ© Ă copier tout en innovant afin de faire mieux. La copie nâest pas toujours une contrefaçon.
Scipion passe des accords avec dâautres armĂ©es afin de combler en partie son infĂ©rioritĂ© numĂ©rique.
Il utilise la surprise. Scipion oublie le fameux quinconce compact de lâinfanterie romaine pour une stratĂ©gie Ă la Hannibal justement. Celui-ci ne sây attendait pas.
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